Une nécessaire montée en compétence d’acteurs des territoires pour accompagner l’émergence d’innovations couplées dans les territoires   

Dans le cadre du projet nous avons identifié un rôle d’acteurs du changement, qui sont des acteurs qui pourraient porter ou soutenir la conception et la mise en œuvre d’innovations couplées. Plusieurs tâches relatives à cette mission sont soulignées comme critiques : l’identification et le partage de connaissances pour inspirer, la mobilisation des acteurs dans le collectif de conception, et l’exploration de solutions. Deux aptitudes sont particulièrement importantes pour la réussite de ces tâches : la capacité à comprendre et traduire des concepts et des mots-clés entre plusieurs “mondes” - amont, aval, institutionnel, etc - et la capacité à fournir des informations et construire des représentations externes pour le collectif (Paravano et al. 2022). De fait, en plus des compétences d’animation, cet acteur devra à la fois disposer de connaissances techniques permettant de comprendre et expliciter les logiques adoptées par les agriculteurs, mais devra également disposer de connaissances permettant de comprendre et expliciter les logiques des autres acteurs : transformateurs, collectivités territoriales, agrofournitures, etc. Il devra par ailleurs être capable d’enrôler ces différents acteurs dans la démarche, de les faire dialoguer et collaborer dans une visée de conception collective (Cnudde, 2021).  

Une diversité d’acteurs sont concernés par cette montée en compétences pour favoriser les changements visés, et notamment les acteurs du développement agricole (conseillers agricoles ou animateurs issus du réseau des Chambres d’Agriculture, du réseau FNAB ou CIVAM). Si un certain nombre d’entre eux sont déjà aguerris à la co-conception de systèmes de culture innovants, aucun n’accompagne aujourd’hui de projet multi-acteurs et pluri-scalaires. Ils sont parfois investis aux côtés d’autres acteurs du territoire - collectivités territoriales, syndicat de bassin versant - dans des projets collectifs (ex : Plan Alimentaire Territorial, projet de gestion de l’eau). Mais ces projets visent en général une dimension locale de l’agriculture et concernent peu les agriculteurs engagés en circuits longs. Outre ces acteurs du territoire, les acteurs intermédiaires de la mise en marché pourraient également jouer ce rôle, comme l’illustre la section 3.3. La problématique majeure pour l’appropriation et la mise en œuvre de ces démarches d’accompagnement réside dans l’articulation entre mandat et compétence. Si les conseillers agricoles disposent bien de compétences techniques pour faire évoluer les agroécosystèmes, les enquêtes réalisées (Cnudde, 2021) et les échanges avec les porteurs des projets Dephy Expé ont révélé qu’ils ne se sentent pas légitimes pour porter ce type de démarche, qui nécessite de s’adresser à des acteurs de la mise en marché, de l’agrofourniture, ou des pouvoirs publics. En effet, ils n’en ont pas le mandat. Inversement, des acteurs du territoire qui ont un réel mandat pour traiter de problématiques territoriales ne disposent pas des compétences nécessaires pour comprendre finement et expliciter les logiques des différents acteurs dans un objectif de réduction du recours aux produits phytosanitaires.

Une séquence interactive organisée avec les animateurs territoriaux du réseau DEPHY a permis en particulier de discuter de l’articulation entre compétences et mandats. C’est à cette occasion qu’a émergé l’hypothèse de création d’un nouveau métier, qui embarque à la fois des compétences techniques mais également de médiation trans-sectorielle. Pour capitaliser l’ensemble de ces résultats et accompagner la montée en compétences des acteurs du développement, un cahier des charges pour la formation a été produit et vise les prescripteurs de ces acteurs et les organismes de formation qui souhaiteraient former ces publics. Il synthétise les compétences requises pour être capable d’accompagner les démarches de conception de scénario territorial, propose un scénario pédagogique et un ensemble de ressources mobilisables pour l’apprentissage.