Changement climatique

Changement climatique

Depuis 2023, le GIS PIClég accompagne et met en œuvre des actions de production de connaissances adaptées aux cultures légumières et maraîchères pour répondre à l’enjeu du changement climatique. Voici quelques éléments de cadrage et une présentation des travaux conduits par deux chargés de mission du GIS en 2023 et 2024.
Melon marqué par la pourriture
Melon marqué par la pourriture suite à des pics de température au moment de la maturation © CTIFL, 2022

Depuis quelques années, les manifestations du changement climatique sont déjà concrètes et visibles dans les exploitations légumières et maraîchères de tous les territoires en métropole ou en outre-mer. Elles recouvrent à la fois des tendances d’évolution du climat et des aléas, parfois brutaux et souvent imprévisibles, qui requièrent des ajustements permanents mais de plus en plus insuffisants. L’augmentation des températures estivales, le risque de gel printanier, les manques ou excès d’eau impactent tous les organismes vivants : cultures commerciales et de service, bioagresseurs, auxiliaires, microfaune et flore du sol, etc.  

Dans ce contexte incertain, les membres du GIS s’accordent sur la nécessité d’avancer sur plusieurs domaines complémentaires :
   (i) mieux connaître les relations entre paramètres climatiques, physiologie des espèces maraîchères ou biologie des organismes pathogènes ou auxiliaires en conditions de production
   (ii) croiser les approches par culture mais aussi à l’échelle du système de culture et du système de production
   (iii) capitaliser des résultats sur les projets existants (du point de vue des connaissances comme des méthodes)
   (iv) avancer davantage sur des enjeux sous investis en productions légumières et maraîchères tels que la gestion de l’eau et de l’irrigation dans ce contexte, les effets sur le sol ou encore la mobilisation des acteurs de l’aval dans l’accompagnement des adaptations au changement climatique à une échelle locale ou plus large.

Changement climatique, de quoi parle-t-on ?

Autour du concept de changement climatique, de nombreux termes sont employés et recoupent parfois des réalités différentes selon l’interlocuteur. Les définitions retenues, utilisées dans les études réalisées et présentées ci-dessous sont reformulées à partir de celles des cinquième et sixième Rapports d’Evaluation du GIEC, qui constitue l’instance de référence sur cette thématique.

Le changement climatique s’entend comme toute variation dans l’état du climat qui peut être identifiée par des changements de ses propriétés et qui persiste à une échelle de temps long (décennies ou plus). Il peut être naturel, mais la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique le définit comme celui résultant de l’activité humaine et des émissions de gaz à effets de serre (GES).
Le GIEC a défini dans son 5ème rapport différents scénarios d’émissions de GES (Representative Concentration Pathway ‘RPC’ : Profils représentatifs d’évolution de concentration) à partir d’hypothèses sur les activités à l’origine de ces émissions : un scénario optimiste où les émissions diminuent rapidement et durablement (RCP 2.6), deux scénarios intermédiaires de stabilisation des émissions avant la fin du siècle (RCP 4.5 et 6.0) et un scénario pessimiste, parfois surnommé « business as usual », où les émissions continuent d’augmenter au rythme actuel (RCP 8.5). Ils sont utilisés comme données d’entrée dans les modèles climatiques pour établir des projections climatiques, correspondant à la réponse simulée du climat à ces scénarios d’émissions. Les modèles climatiques sont des représentations numériques du système climatique fondées sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques de ses composantes et leurs processus d’interaction et de rétroaction, et qui tiennent compte d’une partie de ses propriétés connues.

Les réponses du système climatique à ces émissions impliquent la survenue d’aléas climatiques, qui sont des tendances climatiques ou des évènements pouvant avoir un impact (effet sur les systèmes naturels ou les activités humaines), notamment sur les systèmes maraîchers dans le cadre de la présente étude.
L’exposition se définit ici comme l’existence de systèmes maraîchers dans des lieux, des temporalités et des contextes qui pourraient être négativement impactés. La vulnérabilité est une composante intrinsèque des systèmes maraîchers qui représente leur propension à être impactés négativement, en prenant en compte l’ensemble des processus et pratiques qui les composent.
Les systèmes maraichers exposés et vulnérables peuvent cependant s’adapter. L’adaptation est la démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu et à ses conséquences pour éviter les effets négatifs (ou exploiter de potentiels avantages).
Le risque agrège ces éléments (exposition, vulnérabilité, adaptation) et définit le potentiel de survenue de conséquences néfastes pour les systèmes maraîchers.

Schéma de cadrage CC
Schéma de cadrage des concepts associés au changement climatique © L. Husson, 2023

Soutenir la production de connaissances et de méthodes adaptées aux cultures légumières et maraîchères

Le GIS PIClég a initié ou soutenu différentes actions visant à produire et partager des connaissances et ressources utiles pour mieux appréhender le changement climatique, cerner les impacts potentiels et identifier des pistes pour concevoir des systèmes plus adaptés aux contraintes de demain. Il s’agit d’un travail ambitieux et complexe tant les exploitations de production légumière et maraîchère sont diverses en termes d’espèces et variétés cultivées, de conditions pédoclimatiques de production, de modes de production (plein champ, abris plastiques, serres verre), d’organisation des filières et de dynamiques économiques des zones de production.

Une première étude pour mieux rassembler les connaissances sur les relations maraîchage-climat et les vulnérabilités liées au climat futur

En 2023, une étude a été conduite par Léa Husson (SICA Centrex/INRAE UE Maraîchage) encadrée par Amélie Lefèvre (UE Maraîchage) avec l’appui de l’US INRAE Agroclim. Cette mission de 8 mois a produit des résultats agronomiques et méthodologiques :
 - une démarche avec outils et supports permettant de caractériser le climat à venir dans une zone géographique avec une liste d’indicateurs climatiques pertinents pour le maraîchage, puis d’identifier les vulnérabilités et pistes d’adaptation d’un système maraîcher « typique » d’une zone géographique
 - une synthèse des impacts et vulnérabilités des systèmes maraîchers
 - une synthèse d’adaptations possibles.

Pour en savoir plus :

Un rapport d’étude :
Husson, L., & Lefèvre, A. (2023). Comment identifier les impacts du changement climatique sur les systèmes maraîchers et les pistes d'adaptation ? Outils opérationnels et premiers résultats appliqués aux systèmes maraîchers du sud de la France. INRAE. https://doi.org/10.17180/QHS3-E032
Ce rapport est accessible sur HAL INRAE : https://hal.inrae.fr/hal-04266659

Les outils
HUSSON, Léa; LEFEVRE, Amélie, 2023, "Scripts R pour générer un jeu de données comparant les tendances climatiques de références actuelles aux projections futures pour une série d’indicateurs climatiques opérants en production maraîchère", https://doi.org/10.57745/IQMZDE , Recherche Data Gouv, V2

Des approfondissements nécessaires

Plusieurs éléments ont été confirmés par cette première étude qui a combiné les apports de la littérature et l’expertise d’acteurs variés :

  • Les systèmes maraîchers et légumiers - contrairement à certaines cultures majeures très documentées comme la vigne, le blé ou le riz… - souffrent d’un manque de connaissances sur les relations entre les paramètres climatiques et le fonctionnement des plantes, la biologie des bioagresseurs et de leurs ennemis naturels… le tout en condition de production. Ces connaissances physiologiques ou écophysiologiques sur les interactions entre l’agrosystème et le climat sont pourtant nécessaires pour évaluer le risque des systèmes maraichers d’être négativement impactés par les manifestations du changement climatique et ainsi, explorer des adaptations prioritaires.
  • Les acteurs professionnels de la production, du conseil agricole et de l’expérimentation disposent d’informations variées issues de leurs analyses de terrain (observations en ferme, expérimentations en station), qui sont fragmentées, mais peuvent compléter les données scientifiques.
  • Traiter des impacts du changement climatique sur les systèmes maraîchers constitue un problème multi-dimensionnel, multifactoriel et systémique :
    • il ne s'agit pas de se concentrer sur un impact isolé mais de considérer que le changement climatique peut induire une pluralité d’impacts sur la plante cultivée, les plantes de service, le sol, les auxiliaires et ravageurs mais aussi sur les pratiques mises en œuvre ou encore sur le travail des femmes et des hommes dans les entreprises agricoles.
    • Il ne s’agit pas non plus de se concentrer sur un unique paramètre ou sur un type d’évènement climatique mais sur leur combinaison et variabilité, aux différentes échelles de temps (de la journée, la saison, au pluriannuel) et d’espace (de la parcelle au paysage).
    • il s’agit enfin de considérer les systèmes maraîchers ou légumiers dans leur ensemble, et donc pas uniquement une culture isolée mais les assolements et successions très intensives et variées. De plus, les systèmes maraîchers et légumiers sont composés d’une grande diversité d’espèces et variétés, sont produits dans une gamme variée de conditions techniques (abris et plein champ, calendriers de production, …) et affectés par une grande diversité de bioagresseurs. Il faut donc caractériser et analyser les impacts du changement climatique comme les pistes d’adaptation aux échelles d’impact et d’action pertinentes dans une logique systémique.
  • Enfin, les outils existants pour mieux cerner les impacts possibles (calculs et agrégation d’indicateurs agro-climatiques et d’impacts) et pour anticiper les impacts de demain, qu’ils soient développés par la recherche ou par d’autres organismes d’accompagnement, ne sont pas - de prime abord - adaptés aux systèmes maraîchers et légumiers. En effet, les applications développées requièrent, pour livrer des résultats, les seuils climatiques des espèces, voire des variétés, qui ne sont pour le moment pas connus ou peu partagés par les acteurs.

Ce bilan a permis de cadrer la feuille de route d’une nouvelle étude décrite ci-après.

2024, une mission en cours pour identifier des conditions d’exposition et de vulnérabilité de systèmes maraîchers à partir d’enquêtes et d’analyses de données climatiques

Une nouvelle étude de 12 mois financée par le GIS PIClég a ainsi démarré en mars 2024. Elle est conduite par Elie Boillot (APREL), et est encadrée par Amélie Lefèvre (INRAE UE Maraichage) et Renan Le Roux / Marie Launay (INRAE US Agroclim).

Cette mission cherche ainsi à répondre à la problématique partagée sur comment identifier les conditions d’exposition et de vulnérabilité des systèmes maraîchers face aux manifestations du changement climatique avec peu de connaissances sur les relations - en conditions de terrain - entre paramètres climatiques, fonctionnement des plantes, biologie des bioagresseurs et des auxiliaires ?

Si l’objectif général de l’étude reste bien de poursuivre la production de connaissances et de méthodes appliqués aux systèmes maraîchers afin d’outiller les acteurs dans leur démarche de conception de systèmes plus flexibles et résilients face aux manifestations du changement climatique, il a été décidé de développer une nouvelle démarche d’analyse visant à combiner des données issues d’observations de terrain, de mesures météorologiques, de modèles climatiques et l’expertise des acteurs et des scientifiques.

Cette démarche vise ainsi deux sous-objectifs principaux :
   (i) instruire différentes situations de terrain où des impacts négatifs ont été constatés sur les cultures maraîchères, et qui constitueront des cas d’études de vulnérabilité au climat futur (exemple : pourrissement de melons au moment de la récolte, grevant le rendement commercialisable,  à cause de forts pics de température survenus lors de leur maturation)
   (ii) concevoir une démarche qui soit réplicable et réutilisable ultérieurement pour faciliter une production collaborative de connaissances sur d’autres situations et dans d’autres territoires.
Il a été choisi de concentrer les zones d’études sur l’arc méditerranéen pour réduire la diversité des zones à étudier et du fait que ce territoire présente des conditions très marquées par les aléas climatiques, et donc des situations de vulnérabilité déjà particulièrement saillantes. A ce jour, les acteurs sollicités ont témoigné de premières situations emblématiques : le melon de plein champ dans le Gard avec un pourrissement de fruits à la récolte ou la superposition de récoltes prévues pour être échelonnées, ou encore la salade sous abris dont la morphologie finale répond plus difficilement aux exigences pour la mise en marché.

Les résultats attendus de cette étude comprennent, en lien avec les objectifs mentionnés :
 - La formulation de nouvelles connaissances sur les vulnérabilités au climat des différents cas d’étude via des indicateurs climatiques, et d’éléments de réflexion sur les pistes d’adaptions envisageables/envisagées.
 - Un outil méthodologique pour une démarche de caractérisation et d’analyse de la vulnérabilité au climat réplicable, et donc réutilisable, des vulnérabilités aux climats actuel et futur (enquête, utilisation de données et modèles climatiques).
A l’issue de cette étude, l’une des perspectives serait le développement d’un support collaboratif en ligne permettant le recensement des cas de terrain étudiés par différents acteurs et dans différents territoires, pour compléter les connaissances sur la diversité des vulnérabilités et appuyer une réflexion partagée sur les adaptations à engager en production maraîchère et légumière.

Contacts

Amélie Lefèvre, agronome, ingénieure de recherche INRAE UE Maraîchage : amelie.lefevre@inrae.fr
Elie Boillot, ingénieur agronome, chargé d’étude : elie.boillot@inrae.fr

Voir aussi

Date de modification : 28 mai 2024 | Date de création : 25 mai 2023 | Rédaction : GIS PIClég